La chronique culturelle #4
Pour cette nouvelle édition dédiée au spectacle vivant, rencontre avec Juliette, passionnée d’humour et de sports mécaniques qui a lancé en 2017 Le Spot du Rire, un média dédié à l’humour émergent.

Comment est née votre passion pour le spectacle vivant ?
J’ai passé mon enfance à la campagne, où la culture était très éloignée. C’est par la télévision que j’ai découvert les humoristes du début des années 2000 : soit ils faisaient la promo de leur actualité, soit leurs spectacles passaient à l’antenne. Je vis en région parisienne depuis 15 ans, et un jour, je me suis demandé pourquoi je n’allais jamais voir de spectacles en salle, alors que les théâtres sont à portée de métro. J’ai commencé à naviguer sur les dernières pages de BilletRéduc pour trouver LA soirée humoristique qui me convenait. Et je suis retombée dans la marmite une fois adulte !
Quels artistes ou spectacles ont nourri votre regard artistique ?
J’étais une grande fan d’Eric et Ramzy, puis quand les télé-crochets d’humour et de stand-up sont arrivés sur France 2 (ONDAR) et Canal+ (Jamel Comedy Club), j’ai commencé à suivre la nouvelle génération d’humoristes et de stand-uppers.
En 2016, j’ai découvert la Petite Loge et le spectacle de Jean-Philippe de Tinguy, Le dernier Jean-Philippe. Il a gagné le Festival d’Humour de Paris en 2017 et décroché une programmation régulière 3 fois par semaine au Point Virgule avant de se tourner vers la musique expérimentale. En suivant son ascension, j’ai eu l’opportunité de découvrir la scène stand-up de l’époque, qui commençait à se structurer. Cet amas de savoir comique m’a poussé à créer Le Spot du Rire pour gagner en légitimité auprès des artistes.
Un spectacle qui vous a marquée récemment ?
J’ai vu le deuxième spectacle de Rosa Bursztein, Dédoublée, au Théâtre de l’Œuvre. Cette comédienne devenue stand-uppeuse est l’une des artistes les plus drôles et émouvantes de sa génération. Sa détermination sans borne et son indépendance artistique se ressentent dans tout ce qu’elle fait. Elle raconte aussi bien des histoires qu’elle délivre des punchlines, en passant du rire au drame, avec une souplesse folle.
Retour sur les Molières 2025, y a-t-il un lauréat qui a retenu votre attention ?
Parmi mon corpus d’œuvres découvertes en salle, 9 spectacles sur 10 sont humoristiques, mais très peu sont ultra-populaires. Le système des Molières repose avant tout sur les billets vendus, donc c’est un autre monde comparé à ma vision du secteur ! Cela dit, je sentais que Paul Mirabel allait rafler la mise. Certains pensent peut-être qu’il n’est pas le plus spectaculaire, mais sa discipline s’apparente à celle d’un athlète de haut niveau. Pour faire un parallèle avec la F1 : il y a eu un avant et un après Schumacher. Paul Mirabel, avec sa discipline stakhanoviste, a professionnalisé le chemin vers les sommets du rire. L’histoire m’a donné raison. J’aurais préféré qu’Alexandre Kominek obtienne ce prix, mais les chiffres l’ont écarté des finalistes. Ce n’est qu’une question de temps !
Un événement que vous attendez avec impatience cette saison ?
Comme chaque année, je scrute la sélection du Festival d’Humour de Paris pour voir comment Antoinette Colin, directrice artistique du Point Virgule, intègre les nouvelles générations. Sa longévité est inspirante, et je sais qu’elle se bat pour l’artistique autant qu’elle le peut, malgré la tentation de programmer des stars des réseaux sociaux. Je parie que pour la 10e édition en septembre, nous allons nous régaler !
Quelles tendances observez-vous dans le spectacle vivant ?
Les réseaux sociaux font la pluie et le beau temps. Il y a de moins en moins de moyens dans la culture, donc certaines productions se tournent vers ce qui marche. Et ce qui marche, ce sont souvent les artistes qui ont des milliers voire des millions d’abonnés. Démarcher des talents est devenu un luxe, alors même que cette activité n’a jamais été aussi cruciale. Or, certains achètent des abonnés, gonflent leur compteur et déçoivent les spectateurs. Néanmoins, je reste optimiste : la nouvelle génération de professionnels a un bagage technique plus solide, qui permettra de débusquer les artistes qui prennent la place de collègues plus méritants.
Quel regard portez-vous sur les nouvelles technologies ?
Le stand-up est traditionnellement sans décor ni fioritures. Mais les artistes se démarquent de plus en plus en utilisant la vidéo, comme Vérino avec ses formats « Dis donc internet » ou Pierre-Emmanuel Barré dans son dernier spectacle. Je vois surtout l’impact des nouvelles technologies sur la diffusion et la découverte de nouveaux talents, plutôt que sur scène.
Un projet marquant à l’école de médiation culturelle ICART dont vous aimeriez nous parler ?
J’ai connu l’école via les
Planches de l’ICART, surtout ses premières années, quand l’événement était davantage axé sur l’humour émergent. Je voulais comprendre l’envers du décor et propulser des artistes grâce à mon travail de détection.
J’ai réussi à amener près d’une dizaine de candidats et programmer deux finalistes : Adèle Barbers et Sarah Normal. Adèle a remporté une résidence artistique, et Sarah a tapé dans l’œil de la coordinatrice des Planches [Éléonore Thomas]. L’expérience m’a aussi appris à articuler leurs prestations avec d’autres disciplines, et à les accompagner dans un environnement différent des comedy clubs.
Adèle Barbers et Sarah Normal lors des Planches de l'ICART 2025
Photos © Carla Kaddour et Fred Charles
Quels métiers vous attirent aujourd’hui ?
Le milieu de l’humour est en cours de professionnalisation, mais sur la scène émergente, les budgets peuvent encore manquer. Ma volonté était aussi de découvrir d’autres champs du spectacle vivant, et de développer des compétences nouvelles plutôt que de miser uniquement sur ma plume. Idéalement, je vise des postes qui mêlent technologie et créativité. Intégrer un revendeur comme BilletRéduc (où je fais mon stage), ou une entreprise qui propose une solution SaaS [Software as a Service] au service de la culture serait une aubaine. Je suis aussi ouverte à d’autres missions comme la diffusion. Le plus dur, ce n’est pas de réussir, mais d’avoir sa chance. Alors je m’ouvre le plus de portes possible !
Les recommandations culturelles de Juliette
🎤 Un spectacle incontournable ?
L’humoriste belge Dena et son spectacle poignant, Dena Princesse guerrière.
📍 Une salle de spectacle à (re)découvrir à Paris ?
La Petite Loge et le Solo pour les rodages, le Théâtre du Marais pour les développements de spectacles.
💡 Une expérience originale à tester ?
Aller voir des plateaux de stand-up indépendants en anglais à Paris. Consultez les prochains évènements sur le site English Comedy in Paris.
👀 Des documentaires sur les spectacles d’humour à conseiller ?
Deux documentaires pour comprendre le bouillonnement créatif du stand-up français et américain : Stand-up, la rage de rire - Temps Noir/Arte de Guillaume Orignac (2024) et Le stand-up français (au smartphone) - YouTube de Shirley Souagnon (2018).
📱 Des comptes à suivre pour rester à jour
- @rtsculture et @rtscouleur3 des comptes suisses pour être à la pointe sur l’information culturelle et les talents à suivre
- @louisbolla : Ex-rédacteur de la revue HAHA et journaliste pour Les Jours, il est très informé sur le stand-up et couvre de nombreux événements du secteur.
- @lespotdurire (le compte qu’elle anime depuis 8 ans avec passion !)
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